Que se passe-t-il lorsqu’un joueur de rugby s’échappe d’un tableau du Douanier Rousseau ? Tout commence au Musée Guggenheim de New-York...
Jean part à la découverte de la ville. Entre buildings et toiles de maîtres, de Chinatown jusqu'au MoMa,
il rencontre une impressionnante palette de personnages et de paysages. Un bel hommage à l'univers du Douanier Rousseau et à New-York.
Album soutenu par la Fédération Wallonie Bruxelles
Sélection de La petite fureur de lire 2017
Sélection Graines de lecteurs Salon du livre de Montauban - Les jolis mots de mai 2018
Cache-cache avec les oeuvres du Douanier Rousseau...
Les dessins présentés ci-dessous sont inspirés par les oeuvres du Douanier Rousseau. Ils sont parsemés dans l’album, comme autant de clins d’oeil au connaisseur ou à celui en passe de l’être. L’idée étant de rendre hommage à l’artiste tout en donnant envie de découvrir ses tableaux.
Le Douanier Rousseau et New-York
Le peintre et la ville se rencontrent en un tableau, Les Joueurs de football, peint en 1908. Il fait partie de la collection du Salomon R. Guggenheim Museum, à New-York.
Et si un des personnages s’échappait du tableau pour entamer une déambulation dans la ville, telle fut l’idée initiale. Deux univers se rencontrent et l’amusement est de découvrir où les routes se croisent ou au contraire où se créent des anachronismes. Pour autant, le Douanier Rousseau qui se passionnait pour la ‘modernité’, incarnée à son époque par la toute neuve Tour Eiffel et les premiers avions, n’aurait peut-être pas désapprouvé cette incursion dans la cité aux hautes tours, un autre genre de jungle...
Henri Rousseau est né le 21 mai 1844 à Laval. Son surnom de Douanier lui a été donné par son ami Alfred Jarry, alors qu’il travaillait à l’octroi de Paris. Durant son temps libre, il peint. Autodidacte, il recueille néanmoins les conseils des peintres académiques, Clément et Gérôme.
A l’âge de cinquante ans, il prend sa retraite et emploie tout son temps à son oeuvre de peintre.
Voyageur immobile, il est inspiré par ses lectures (Tour du monde) et par ses visites au Jardin des Plantes. Les serres contenant les espèces tropicales seront un lieu d’intenses observations pour lui. Il insufflera dans ses toiles la même impression d’étouffement, de chaleur et plus étonnament du silence qui y régnait. Aucun oiseau rare ne venait tirer Le Douanier Rousseau de ses rêveries, pas un seul cri perçant.
Sa technique semblant maladroite et son style naïf ont été longtemps décriés de son vivant. Bien qu’apparaissant chaque année avec une nouvelle toile au Salon des Indépendants, ce n’est qu’à la fin de sa carrière qu’il reçut la reconnaissance de ses pairs. Picasso le fêta, organisant un banquet en son honneur et achetant ses toiles. Mais aussi les Delaunay, Fernand Léger et Guillaume Apollinaire le comptaient parmi leur cercle d’amis artistes. Rousseau a tracé une voie toute personnelle en peinture. Elle mena, entre autres pistes, vers le surréalisme. L’inquiétante étrangeté chère à Breton, Tzara ou Magritte, est palpable dans les compositions du Douanier, notamment dans ces paysages de jungles. Le Rêve, tableau également visible à New-York, au Museum of Modern Art, représente parfaitement cette atmosphère singulière d’un sujet conventionnel, le modèle nu placé sur un divan, disposé dans un contexte insolite, une jungle camouflant ses animaux sauvages.
Le Rêve, 1910
Ce tableau fut achevé l’année de sa mort.
Le Douanier Rousseau ajouta une légende :
« Yadwigha dans un beau rêve / s’étant endormie doucement / entendant les sons d’une musette / D’un charmeur bien pensant / Pendant que le lune reflète / Sur les fleurs, les arbres verdoyants / Les fauves serpents prêtant l’oreille / Aux airs gais de l’instrument »
L’oeuvre La charmeuse de serpent (1907) a été inspirée par le récit des voyages en Inde de la mère de Robert Delaunay, qui lui avait commandé le tableau. L’artiste n’a voyagé que par le rêve, ce qui explique l’écart entre la réalité des pays et lieux évoqués et ce qu’il en montre. Il est conscient de cela et revendique la peinture comme une discipline en opposition avec la photographie. Les jungles qu’il peint de 1905 à 1910, vingt-cinq versions en tout, n’existent nulle part, n’en déplaisent aux rêveurs qui ont cru les vers d’Apollinaire :
« Tu te souviens, Rousseau, du paysage astèque,
Des forêts où poussaient la mangue et
l’ananas,
Des singes répandant tout le sang des
pastèques
Et du blond empereur qu’on fusilla là-bas.
Les tableaux que tu peins, tu les vis au
Mexique :
Un soleil rouge ornait le front des bananiers
et valeureux soldat, tu troquas ta tunique
Contre le dolman bleu des braves douaniers.»
Les Joueurs de Football ont retenu mon attention, par leur caractère comique et théâtral à la fois. Figés comme des pantins ou des marionnettes, moustachus, dansant dans un cadre bucolique, comme dans une chorégraphie mécanique, ces quatre personnages ne jouent pas au football comme le titre pousse à le croire, mais au rugby. Ce sport est tout fraîchement arrivé en France en 1908, l’année du tableau. Comme pour la Tour Eiffel, Rousseau qui fut le premier à la représenter dans un tableau (on pourrait faire le parrallèle en poésie avec Cendrars), s’empare de ce nouveau thème.
Le Douanier Rousseau ne recherche pas le réalisme. La forêt en bordure du terrain semble de taille réduite à côté de celle des joueurs. Ces derniers semblent être des jumeaux. Ils sont tellement identiques que l’hypothèse de la décomposition des mouvements d’un même personnage n’est pas incongrue. On pense aux travaux de Marey, en photographie.
D’un point de vue technique, le tableau est une superpositions de plans. L’artiste obtient un résultat proche du collage. Aucune profondeur de champ ou d’effet de perspective ne sont recherchés. L’espace est assumé comme imaginaire. Tout est plat comme un décor de théâtre. L’ambiance est à la limite du surnaturel. Rousseau a su parfaitement transmettre en peinture son univers si particulier, énigmatique. Il a persévéré, malgré les critiques, dans un style éloigné de l’académisme ou de la virtuosité réaliste. Les scènes issues de ses rêveries nous transportent dans son monde.
New-York, cité éclectique, cité électrique
Electrique, éclectique, la ville abasourdit le visiteur, par ses ondes et ses vibrations. Le bruit, les couleurs, la vitesse, la diversité caractérisent cette cité emblématique du XXème siècle. La concentration de tout ce qui fait le monde donne à cette ville des allures de Babylone des temps modernes. Mais ce qui fait retourner à New-York, en dépit du brouhaha et de l’aspect fourmillant, parfois violent, c’est l’énergie qui en émane. C’est cette électricité qui a attiré les artistes de toutes disciplines, du jazz à la photographie, en passant par la danse, le théâtre et bien sûr la peinture. Les multiples facettes de la ville ne peuvent être cernées d’un seul regard.
Du Jardin des plantes de Paris à Central Park
Le Douanier Rousseau a peint la Statue de la Liberté. Non pas celle qui se trouve à New-York, mais celle qui se dresse sur le pont de Grenelle à Paris, thème d’un de ses tableaux. Si il avait peint cette ville, peut-être aurait-il choisi son grand parc central. Ce sont des environnements à la fois organisés, faits d’artifices et de l’imagination de l’homme et en même temps sauvages et menaçants. Les cris d’animaux exotiques peuvent être entendus dans ces deux endroits. Un zoo accueille des éléphants, singes, oiseaux et fauves, en plein Central Park.
Le Joueur de football s’évade de son tableau et n’a qu’à traverser la Cinquième Avenue pour se retrouver dans cette nature, encerclée par la ville.
Un grondement sous-terrain
Le personnage principal de l’histoire va rencontrer les habitants de la ville, entre autre un curieux «Monsieur à la montre». Il fait partie d’une fresque réalisée par Jane Dickson pour la station de métro de Time Square. La notion de temps est importante à New-York et cet homme symbolise la course de chacun pour le rattraper. (http://janedickson.com/public-projects-/mta)
Plongées et contre-plongées, la ville et ses panoramas
D’où la ville se dévoile le plus ? New-York ne manque pas de panoramas à couper le souffle, mais c’est depuis la plate-forme de l’Empire State building qu’elle s’offre le mieux au visiteur, qui d’un seul regard embrasse tous ses contours. Depuis ce promontoir, la vie d’en-bas ressemble à un véritable fourmillier. Les allées et venues des voitures, jouets miniatures, des gens, files d’insectes aux déplacements rapides, présentent un spectacle incessant. Dans l’histoire, Jean est soudainement pris de vertige, il désire retrouver la terre ferme, comme si l’avancée des hautes tours pour atteindre le ciel, l’effrayait. Après le monde sous-terrain, la vue plongeante sur l’île de Manhattan, il se dirige, accompagné d’un nouvel ami, vers un des quartiers les plus emblématiques de la ville : Chinatown.
Chinatown se situe au sud de New-York. Ce quartier englobe plusieurs pâtés de maisons. Ses habitants perpétuent leur culture et leurs traditions. Une plongée dans ses ruelles fait oublier sur quel continent on évolue. Chinatown est un des nombreux «quartiers-pays» de Big Apple.
La nuit et ses noctambules
Jane Dickson titre l’oeuvre apparaissant dans le métro, The Revelers (les noceurs). Ils attendent les douze coups de minuit, pendant la nuit de la Saint-Sylvestre. Comment parler de New-York sans évoquer sa vie nocturne, intense et multiple ? Un des hauts lieux de la scène artistique et de la vie bohème de New-York fut Washington Square Park dans Greenwich Village. Les musiciens et les peintres s’y retrouvaient dans les nombreux bars et salles de concerts. Le parc attire toujours les acrobates de rue et les musiciens. Un piano à queue occupe même un des sentiers autour de la fontaine centrale. L’ambiance est plus festive dans cette partie de la ville, où le rythme n’est pas aussi saccadé. Jean y fait une halte, avant de rejoindre la farandole de l’improbable « Club des moustachus.»
Photographies personnelles